La météo est relativement sereine malgré la menace orageuse annoncée. Les 11 participants se sont donné rendez-vous à la sortie du bourg paisible de la Chapelle-sur-Vire, village blotti dans le fond de la vallée de la Vire, autrefois très fréquenté mais le départ d'un établissement spécialisé, la fermeture d'une auberge-restaurant et la raréfaction des pèlerinages ont vidé le lieu de son animation.
Nous allons suivre le chemin qui longe la Vire en aval, atteindre la carrière puis revenir par la petite route qui mène au village.
Dès le départ, l'oreille détecte quelques oiseaux. La fauvette des jardins chante : son chant est relativement puissant mais moins musical que celui de la fauvette à tête noire que nous entendons aussi. Physiquement, ces deux oiseaux ont la même allure et des moeurs semblables : la fauvette des jardins est terne dans son plumage et un peu plus grosse, le cercle oculaire clair et un bec assez épais la distingue de la tête noire, à peine plus colorée, calotte noire pour le mâle et rousse pour la femelle. La fauvette à tête noire est assez adaptable : la preuve en est, sa présence accrue en Normandie même en hiver. La fauvette des jardins disparaît en septembre-octobre et regagne ses quartiers africains. Autre migrateur subsaharien mais dans le ciel, celui-ci, le martinet noir affûté comme une lame de faucille dessine dans le ciel des vols de chasse rapides. Le martinet noir niche dans des cavités sous le toits ou dans les murs de bâtiments. Il y a quelques nids dans le bourg. L'hirondelle de cheminée elle aussi africaine, entre précipitamment dans un petit bâtiment couvert de tuiles. Vu la briéveté de la visite, elle nourrit des jeunes.
Nous approchons du pont qui franchit la Vire. Le niveau de l'eau est assez bas. Un couple de bergeronnette des ruisseaux s'affaire : l'oiseau chasse sur les rives, souvent sur des pierres qui affleurent. L'espèce est liée aux ouvrages d'art ou aux constructions en bord de rivière puisqu'elle installe son nid dans un trou de mur. Cette observation permet de présenter les autres bergeronnettes que l'on peut rencontrer en ce moment, la bergeronnette grise et la bergeronnette flavéole (bergeronnette printanière flavissima) particulièrement.
Un autre migrateur est perché sur un fil non loin, c'est le gobemouche gris, petit oiseau au bec fin qui chasse les insectes, de son poste d'affût. Il est assez anthropophile et on le rencontrera facilement près des maisons habitées. L'oiseau est discret et son chant très pauvre, quelques notes émises très bas et sans relief. La femelle doit avoir une bonne oreille pour repérer un mâle, mais celui-ci a trouvé la parade, il se perche bien en vue pour chanter. Inratable!
Nous empruntons le chemin. Nous entendons le troglodyte mignon qui fréquente volontiers les rives dégarnies de la rivière. Une poule d'eau, hôte des cours d'eau calmes avec une végétation de rive retombante, se fait entendre par son cri bref. Elle peut faire plusieurs nichées abondantes dans l'année, 6 à 10 poussins à chaque fois : la tâche de protection des poussins et de nourrissage peut être effectuée par un aîné de l'année. Les poussins sont nidifuges ; c'est-à-dire qu'ils quittent le nid juste après l'éclosion et suivent leurs parents.
Un couple de canards colverts s'envole, le nid ou les jeunes sont à proximité. Le colvert est assez présent en bord de Vire. Plus loin, nous détectons un nid de pigeon ramier dans un arbre mourant. Le ramier est une espèce très adaptable qui s'installe n'importe où, du moment qu'il y a des arbres.
Nous rencontrons peu d'oiseaux en bord de Vire. Nous arrivons ensuite à la carrière de la Roque. Comme la visite est très préparée (?) Alain installe sa lunette. Il faut repérer les traînées de fiente dans la falaise pour trouver soit un perchoir, soit un nid de rapaces. L'emplacement du nid de faucon pèlerin est vite retrouvé : il y a deux jeunes bien emplumés pas loin de l'envol dessus. Avant de se lancer dans les airs, les jeunes pèlerins font des essais sur le nid, ils ouvrent les ailes et les agitent comme pour s'envoler. Là on ne les voit pas le faire donc ils ne sont pas tout à fait prêts. Après le premier décollage, les jeunes vont se livrer à toutes sortes d'exercices en vol ( pirouettes, jeux aériens, nourrissage en vol par les adultes, etc) jusqu'à devenir les chasseurs qu'on connaît. Ils vont rester ainsi 70 jours autour du nid jusqu'à disparaître complètement (erratisme des jeunes). Au fur et à mesure que les semaines passent, l'entrain des adultes à nourrir les jeunes s'affaiblit (raisons hormonales et modification de l'aspect et du comportement de la progéniture) : cela contraint les jeunes à s'autonomiser et à se débrouiller seuls. Une anecdote toute fraîche : des cadavres de buse variable ont été découverts dans l'Avranchin et en baie du Mont-Saint-Michel à proximité de nid de faucon pèlerin. Les oiseaux morts portaient des traces d'attaque de pèlerin qui défendaient leur nid vraisemblablement.
Il est donc possible dans les quelques semaines à venir d'observer ces jeunes qui seront dans quelques jours perchés dans la falaise ou bien en l'air, à faire leur apprentissage du vol et de la chasse.
D'autres espèces ont été observés dans la carrière : la grive musicienne chante, l'hypolaïs polyglotte petite fauvette à dominante jaune sur le dessous, se fait aussi entendre : le chant est assez grinçant. Cette espèce apprécie les sureaux, les buddléias et autres petits arbres de ce type. Un geai est perché là-haut sur un arbre mort, à l'affût de quelque rapine. On entend aussi le pouillot véloce et le pinson des arbres. Des goélands argentés gagnent une parcelle labourée face à la carrière.
De retour vers le village , dans la peupleraie, nous nous initions au chant bref et musical du grimpereau des jardins. Le chant est émis rapidement et suivi d'un silence plus ou moins long. Nous observerons aussi une buse variable, fidèle à ce secteur habituellement riche en rapaces à cause de la carrière et du boisement pour la nidification et de l'abondance de proies pour les chasseurs d'insectes et d'oiseaux (faucon crécerelle, faucon hobereau, épervier, bondrée apivore). Une mésange bleue daigne se manifester ainsi que la charbonnière un peu plus loin. Occupées à nourrir les jeunes ou entamer une autre nidification, ces deux mésanges sont très discrètes à cette période.
Nous effectuons un petit tour dans le village à la recherche du rougequeue noir que nous ne verrons pas. Le verdier d'Europe pousse son bref cri roulé grinçant dans un résineux et une bergeronnette grise prospecte dans les crottins des poneys.
De grosses gouttes se mettent à tomber. Nous nous abritons sous un arbre pour établir la liste des oiseaux observés. Le pic épeiche émet son cri sec du bois situé sur le versant opposé à nous : ce sera la 28 ème espèce notée ce matin. C'est un score moyen pour cette période mais l'essentiel est d'avoir apprécié la diversité d'oiseaux rencontrés sur ce site, oiseaux des milieux bâtis, oiseaux forestiers, oiseaux des falaises et oiseaux des rivières.
Merci à tous.tes pour votre enthousiasme ornithologique!
Liste des espèces rencontrées (28): accenteur mouchet, bergeronnette des ruisseaux, bergeronnette grise, buse variable, choucas des tours, corneille noire, faucon pèlerin, fauvette à tête noire, fauvette des jardins, geai des chênes, gobemouche gris, goéland argenté, grive musicienne, hirondelle de cheminée, hypolaïs polyglotte, martinet noir, merle noir, mésange bleue, mésange charbonnière, moineau domestique, pigeon ramier, pic épeiche, pinson des arbres, pouillot véloce, poule d'eau, rougegorge familier, troglodyte mignon, verdier d'Europe.
5 espèces auraient pu être là : bouvreuil pivoine, chardonneret élégant, linotte mélodieuse, faucon crécerelle et rougequeue noir. Ce sera pour la prochaine fois!
Photographies : Dominique et Jean Plut (demoiselle, Calopterix virgo, faucons pèlerins au nid, gobemouche gris, bergeronnette grise et merle noir chantant). Patrick Potevin (paysages et groupe) et Philippe Gachet (groupe masqué)
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